Selon l’article L611-15 du Code de commerce « Toute personne qui est appelée à la procédure conciliation ou à un mandat ad hoc ou qui, par ses fonctions, en a connaissance est tenue à la confidentialité. »
La Cour de cassation avait par un arrêt du 15 décembre 2015 (N°14-11500) étendu ce principe de confidentialité à des personnes étrangères à la procédure de conciliation, et notamment à la presse, dès l’instant où il n’était pas établi que « la diffusion d’informations relatives à une procédure de prévention des difficultés des entreprises contribue à l’information légitime du public sur un débat d’intérêt général. » La diffusion de telles informations constitue un trouble manifestement illicite dont la cessation peut être ordonnée, même en référé.
La Cour de cassation a eu l’occasion de se pencher à nouveau sur cette question délicate dans un arrêt récent (Cassation commerciale 13/02/2019 N°17-18049). Cette problématique est complexe car elle touche à un droit fondamental qui est celui de la liberté d’expression qui est protégée par l’article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
En l’espèce, un site, spécialisé dans le suivi de l’endettement des entreprises et consultable par abonnement, avait diffusé plusieurs articles informant ses abonnés des différentes étapes d’une procédure de conciliation et notamment le contenu des négociations engagées avec les principaux créanciers.
Ces informations n’ont pu être recueillies qu’en raison d’indiscrétions commises par des parties impliquées dans la procédure de conciliation….
Pour la Cour de cassation, la diffusion de ces informations par un éditeur en ligne heurte le principe de confidentialité. Elle ne peut trouver une justification dans « l’objectif légitime d’informer le public sur une question d’intérêt général », cet objectif ne saurait en effet conduire à compromettre la sauvegarde de l’entreprise (et des emplois) qui s’est engagée dans cette voie d’une procédure de prévention.
Cet arrêt sera salué par les praticiens du droit des procédures collectives. Aucun créancier n’acceptera de faire des concessions, de réduire ou d’étaler le paiement de sa créance, d’assouplir le niveau de ses garanties, s’il a un doute sur la confidentialité de ses propositions. La liberté d’expression doit parfois être encadrée lorsqu’elle se heurte à des intérêts supérieurs. (pour un exposé plus complet voir Philippe ROUSSEL-GALLE JCP Edition générale Avril 2019 pages 594 à 597)
Jean-Pierre DEPASSE
Spécialise en droit commercial des affaires et de la concurrence