Le principe du non cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle est un des principes fondamentaux de notre droit de la responsabilité. La responsabilité contractuelle est engagée sur le fondement de l’article 1231-1 du Code civil alors que la responsabilité hors convention est consacrée par l’article 1240 du même Code.
Pour trouver la source de la responsabilité, le juge cherchera toujours à déterminer si celui qui a commis une faute était lié ou non par une convention à la victime du dommage.
La frontière qui semble hermétique supporte parfois des atténuations.
L’arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation du 24 octobre 2018 (N°17-25672) en constitue un bel exemple.
Les faits étaient les suivants : une société souscrit une location de stand sur un salon professionnel et règle un acompte ; l’organisateur du salon décide alors d’exclure cette société au motif qu’elle aurait tenu des propos vindicatifs sur les pratiques professionnelles que le salon était censé promouvoir ;
Le client exclu du salon engage une action sur le terrain de la responsabilité contractuelle (non-respect de l’obligation d’attribuer un stand alors qu’un contrat de réservation avait été signé) mais également sur un fondement délictuel au titre d’une rupture brutale d’une relation commerciale établie, en visant l’article L442-6-I-5° du Code de commerce, car il avait été accepté sans difficulté lors des treize salons organisés par le même organisateur.
La Cour d’Appel avait jugé qu’il ne pouvait pas y avoir cumul des responsabilités et avait donc débouté le demandeur de sa réclamation sur la base de la rupture brutale des relations commerciales.
La Cour de cassation, dans un arrêt publié au bulletin des arrêts de la Cour de cassation, juge dans un sens contraire par un attendu qui mérite d’être repris : « En statuant ainsi, alors que ce principe (de non cumul) interdit seulement au créancier d’une obligation contractuelle de se prévaloir , contre le débiteur de cette obligation, des règles de la responsabilité délictuelle et n’interdit pas la présentation d’une demande distincte, fondée sur l’article L442-6-I-5° du code de commerce, qui tend à la réparation d’un préjudice résultant non pas d’un manquement contractuel mais de la rupture brutale d’une relation commerciale établie, la Cour d’appel a violé les textes susvisés. »
Le demandeur peut donc réclamer une double indemnité : une indemnité pour l’exclusion du dernier salon mais aussi une indemnité liée à la rupture brutale des relations antérieures qui se caractérisaient par une antériorité certaine et ancienne.
Cette jurisprudence est d’un grand intérêt pour les praticiens car cette dualité de fondements de responsabilité élargit la palette des actions possibles et les chances d’obtenir une indemnisation.
Jean-Pierre DEPASSE
Spécialiste en droit commercial des affaires et de la concurrence